J’ai lu cet article sur les sciences cognitives.

Plusieurs points posent problème.

Je me rends compte que l’auteur ignore réellement ce qu’est la pédagogie, la didactique, et donc ce qu’est le métier de pédagogue.

Dire que l’enseignement est une simple « pratique » révèle une méconnaissance profonde du métier.
Toute action humaine est une pratique. Enseigner est une expertise, qui demande du temps, de la didactique, de l’anticipation et une intelligence de situation.

Dire que « le bon enseignant doit aussi être un expert des apprentissages scolaires » pose déjà problème.
Enseigner, c’est précisément travailler avec les apprentissages réels des élèves. Présenter cette expertise comme une compétence séparée revient à suggérer que le pédagogue ne la posséderait pas déjà par son métier et son expérience, et qu’elle viendrait d’un savoir extérieur, surtout scientifique, censé lui dire comment les élèves apprennent.

Parler ensuite de « l’efficacité des pratiques pédagogiques » achève la confusion.
L’efficacité est un concept d’ingénierie et de gestion. En pédagogie, il ne signifie rien tant qu’on ne précise pas efficace pour qui, quand, et à quel coût humain.
Une pratique peut être statistiquement efficace et pédagogiquement destructrice.
La pédagogie ne travaille pas sur des moyennes ni sur des résultats immédiats, mais sur des trajectoires humaines longues, singulières et bien évidemment non linéaires, hors de portées d’expériences scientifiques.

Je vais être clair.
Les sciences cognitives et les neurosciences ont apporté des informations précieuses sur des problèmes spécifiques : les dys…, ou les troubles cognitifs. Elles ont permis de ne plus moraliser certaines difficultés.
Et c’est important.
Mais ça s’arrête là.

La pratique scientifique reliée à l’enseignement est une pratique de constat à posteriori, fondée sur des statistiques.
La pratique pédagogique, elle, est située, incarnée, anticipatrice, exercée dans la classe, avec des élèves réels, dans un environnement vivant et toujours instable.


La dimension cognitive est une des quatre dimensions structurant la pédagogie.
Et vraiment, elle n’est pas la principale, ni supérieure aux trois autres.

La pédagogie n’a pas besoin, à ce point, des sciences cognitives pour exister. Elle a existé bien avant elles et continuera d’exister sans elles.
De la même manière, l’agilité et le TPS n’ont pas eu besoin des sciences cognitives pour créer des conditions humaines d’apprentissages solides.
En revanche, les sciences cognitives ont besoin des actions des pédagogues : sans classes, sans enseignants, sans situations réelles d’apprentissage, il n’y a rien à observer, rien à mesurer, et donc rien à modéliser.

Je suis en colère.

En fait, j’aimerais surtout que la pédagogie soit enfin reconnue comme une expertise à part entière, et cesse d’être remplacée, dans le débat public, par des discours moralisateurs.

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