En 02009 – 02010, j’ai assisté à de nombreux cours dans mon établissement, assis au milieu des élèves, là où des collègues acceptaient ma présence silencieuse. J’ai participé à des cours de biologie, de physique, d’anglais, de français, de maths, d’EPS, ou d’histoire, observant le déroulement de ce que les élèves pouvaient vivre.

J’ai également assisté à des activités en maternelle, CP, CE1, CE2, et CM2.

J’ai beaucoup appris.

Appris sur le cours et les concepts abordés, appris aussi sur les modes de communication, les échanges entre les élèves et/ou entre les élèves et l’enseignant, ou les déplacements de l’enseignant dans la salle de classe. C’est à partir de ces observations que j’ai su ce que je voulais mettre en place et ce que je ne voulais plus faire dans mes cours. Commencer à être un praticien réflexif, c’est grâce à une collègue d’EPS qui écrivait quelques réflexions à la fin de ses cours afin de s’améliorer.

J’apprécie l’autodidactie comme étant la seule marque d’autonomie, d’adaptation et de progression sur ses propres pratiques. Je ne suis pas partisan de prendre une méthode pédagogique et de l’appliquer hors de son contexte initiale, comme on peut devenir franchisé dans les métiers du commerce. 25 individus dans une salle de classe, c’est un environnement qui oscille entre les domaines chaotique et complexe, si on se base sur le modèle Cynefin ; ce sont les informations qu’il faut réguler, et non les élèves. Si les élèves sont au centre du système éducatif, ce sont les informations qui sont au coeur du système d’apprentissage. Suivant une vision holarchique, si on supprime les informations (bruit < signal < donnée < information) les élèves disparaissent, la communication élève-élève-enseignant disparait, le groupe classe disparait.

Pour continuer à se former, on peut attendre le Plan Académique de Formation ; poser une candidature, attendre la date, se déplacer parfois à 200 km.

J’enseigne le français, donc j’assiste à des formations dans mon académie exclusivement pour et avec des professeurs de français. Il m’est impossible d’assister à une formation académique en mathématiques ou en physique ou dans tout autre discipline. J’ai essayé de m’inscrire aux formations des maisons pour la science. C’est très compliqué. J’ai abandonné.

J’avais assisté il y a quelques années au Palais de la Découverte à Paris à un atelier sur la cellule eucaryote. Nous étions une dizaine de personnes adultes et enfants prêts à extraire notre ADN. Je reste encore très ému en repensant au moment où j’ai vu apparaitre les fils minuscules portant mon information génétique. Depuis, la cellule eucaryote est le modèle sur lequel je m’appuie.

Il me semble aberrant, qu’en tant qu’enseignant de français, d’être privé de la connaissance ainsi que d’une maitrise, même d’une faible rugosité, des concepts scientifiques. Comment comprendre les individus ou le monde qui m’entoure et qui ne cesse de changer si je n’ai qu’une vision monolithique de l’univers ? Comment aider les élèves à créer des analogies, indispensables dans la pensée complexe et en approche systémique, si je suis cultivé par l’ignorance ?

Les disciplines ne sont pas des territoires. Il n’existe pas de frontières pour les analogies créatrices d’inattendus.

Depuis que je me suis plongé dans la biologie, ou la physique, j’éprouve une profonde compréhension et une sincère empathie pour les élèves qui échouent ou pour ceux qui ont du mal à comprendre mes propres cours. Je suis devenu comme eux, chaque jour : moi dans les tentatives de maitrise de la théorie de la percolation, eux dans les difficultés de maitriser les nuances de la voix passive.

Chaque vendredi soir, la grande majorité des élèves que je côtoie en savent plus que moi dans toutes les disciplines.

Depuis deux ans, j’ai pu participer à de nombreuses conférences et ateliers pendant des « Agile Tour » ainsi qu’aux serious games de Play14.

Dans cet état d’esprit, il y a trois semaines, j’ai proposé l’idée suivante dans mon établissement : mettre en place un premier forum ouvert, de 13:30 à 16:00, pour se retrouver entre adultes de l’établissement, un mercredi après-midi pour une première fois. Ce sera le 8 novembre.

La méthode du forum ouvert a été découverte par Harrison Owen en 01985. Le premier forum ouvert est apparu en France en 01991, organisé par le groupe ACCOR.

L’idée est de rassembler des individus afin de partager des expériences, des apprentissages autour d’ateliers : pratiquer et accéder à des savoirs oubliés ou absents. Il ne s’agit pas d’apprendre à enseigner, ni de donner des conseils. Le but est de découvrir disciplines, concepts et savoirs qui nous sont, à chacun, inconnus. Une manière de sortir de sa zone de confort.

Les individus, ce sont les adultes du collège : enseignants de toutes les disciplines, le personnel du service administratif et conseillers principaux d’éducation, les aides-éducateurs (ex-surveillants), les auxiliaires de vie scolaire.

Ceux qui le souhaitent pourront proposer un atelier. Ceux qui ne veulent rien présenter pourront assister aux ateliers.

Afin d’être certain d’avoir au moins une activité, j’ai demandé à ma collègue de Sciences de la Vie et de la Terre si elle voulait bien mettre en place une activité : elle propose justement l’ADN. Le collègue de Physique devrait nous permettre de découvrir la décomposition de la lumière. Pourquoi pas un atelier avec une collègue de maths sur les fractales ?… ou grâce à une ou un collègue d’Arts Plastiques un atelier sur les couleurs primaires et secondaires ?…

Je sais que des assistants d’éducation viendront. Certains ont très envie de proposer un atelier. Une occasion de les découvrir alors sous une autre facette.

J’ai lancé l’idée. Je ne sais combien nous serons. J’ignore combien proposeront un atelier et combien assisteront à un ou des ateliers. Serons-nous 3 ou 10 ? C’est un forum ouvert : tout sera décidé en auto-organisation. Les prises de décision seront collectives pour savoir qui fera quoi et où, par consentement, en suivant ses deux pieds tout au long de ce court après-midi.

Il se pourrait par la suite que des demandes émergent : quelques enseignants désirent échanger pour progresser en anglais … d’autres émettent le désir d’en savoir plus en thermodynamique…

En somme, faire un premier pas pour apprendre à tisser les liens et le partage pour l’auto-formation et, peut-être, dévoiler et libérer l’agilité des individus et des groupes.

***

EDIT / 12 novembre 02017.

Grâce à cette action, j’ai pu attirer 1 collègue sur 70 enseignants, et 3 AED (assistant d’éducation, ex-surveillant).

Tous les 5 nous avons décidé de reporter les ateliers à une autre date car 2 d’entre eux n’étaient finalement plus disponibles.

3 autres collègues m’avaient indiqué qu’ils étaient intéressés mais pas disponibles ce mercredi après midi.

Enfin, pour que nous puissions échanger sur les ateliers et de futures dates, j’ai ouvert un groupe sur slack.

En attendant les ateliers…

***

EDIT / 2 janvier 02018

Les ateliers ne se feront donc finalement pas.

1 assistant d’éducation viendra finalement pendant quelques heures de cours des élèves de 3e pour leur faire découvrir la relaxation, la méditation de pleine conscience et des exercices pour diminuer le stress pendant les évaluations du brevet.

4 commentaires sur « (Ne pas ?) Créer un forum ouvert et des ateliers libres »

  1. Même si la problématique est différente en primaire, je partage ton retour d’expérience : observer le fonctionnement d’une classe c’est très enrichissant, moteur pour modifier ses propres pratiques. De même, me retrouver élève, régulièrement, m’aide à me mettre davantage à leur place, à mieux comprendre leurs réticences ou leur lassitude (selon les élèves et les situations).
    Je te souhaite que l’atelier que tu proposes ait bientôt lieu. Cela ressemble à l’initiative de Fabien (les ateliers colibris) qu’il a lancé,avec un collègue, il y a quelques années chez Nokia.
    @bientôt,
    Manuella.

      1. Monsieur,

        Belle découverte que votre travail. Merci pour les généreuses mises en ligne.
        Votre kanban personnel doit être bien efficace pour articuler ainsi travail et expérience au collège, recherches et analyse .
        Votre tentative d’instaurer un temps d’échanges entre adultes du collège me fait sourire, d’un sourire ému et amusé : je m’imaginais proposer cela dans le lycée où je travaille. Y aurait-il plus de monde ?
        autant je comprends ce qui vous a poussé à cette initiative, autant je ne vois pas pourquoi « sortir de sa zone de confort » serait attractif en soit.

        Qu’est-ce qui vous donne, à vous, envie d’apprendre des autres le mercredi après-midi, d’aller dans les cours des autres collègues durant un an ? Vous l’avez dit : vous comprenez mieux ensuite les relations entre les personnes, les élèves en difficulté par empathie, et les savoirs extérieurs au vôtres vous aident à procéder par analogie.

        Mais pourquoi vous adresser aux adultes présents sur votre lieu de travail précisément ? par pure économie de moyens ? dans l’idée que vous bénéficiez là d’une ressource humaine captive ? Je force le trait à dessein : vraisemblablement, vous souhaitez partager des connaissances précisément avec vos collègues immédiats.
        Il reste à savoir comment des adultes de l’établissement pourraient être amenés à partager cette envie.
        Comment donner l’envie d’apprendre ? l’envie de sortir de sa zone de confort ?
        grande, grande question qui concerne les petits comme les grands.

        Vos divers écrits renvoient avec précision à la réalité du travail dans la classe et présente avec clarté les outils que vous mettez en place. Votre bibliographie est agréable à parcourir dans sa cohérence et sa diversité ; elle témoigne des assises d’une activité que vous associez à celle de l’artisan.
        Est-ce qu’une référence à la pédagogie du travail, terme propre à la pédagogie Freinet, y trouverait sa place ou y a-t-il une raison pour qu’elle en soit absente ?
        Par bien des aspects pourtant, les techniques que vous mettez en œuvre rappellent celles de Freinet ; l’acquisition de connaissances rendue possible pour chacun par une organisation coopérative du temps et de l’espace du travail : le kanban n’est-il pas le cousin des plans de travail individuels et collectifs ?
        De la même façon, votre volonté d’apprendre en autodidacte, par l’observation, l’écoute et le transfert , la place accordée à la créativité rappellent également les démarches d’apprentissage mise en œuvre par les praticiens Freinet quels que soient les niveaux d’enseignement.

        Or, Freinet, comme Montessori, comme Rancière ou Morin, envisagent tout apprentissage dans un processus d’émancipation du sujet et d’édification collective d’une société de justice.
        Est-ce que des outils, si performants soient-ils en termes d’acquisition de connaissance et de mieux être dans la classe, suffisent à garantir une marche vers l’émancipation et la justice ?
        Y a-t-il une place pour ces questions dans cette réflexion agile que je découvre à l’instant sur votre site ?

        Au plaisir de vous lire,

        Marlène

      2. Bonjour Marlène,

        Merci pour ce commentaire riche de vos questionnements pertinents et constructifs.

        Vous me direz si de votre côté vous aurez eu plus de monde.

        Meilleurs voeux pour cette année 02018 !

        Christian

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