Il a toujours été clair pour moi que les élèves ne sont pas des travailleurs produisant des « produits » ou des objets extérieurs à eux. Ils ne travaillent pas. Être élève n’est pas un métier.
Le travail est une activité particulière qui n’est pas celle des jeunes adultes dans la salle de classe. Il me semble que considérer que les élèves travaillent, produisent, copient, c’est les préparer, avec ce concept militaire Prussien ou ce management tayloriste (encore trop répandu malgré le socle commun), à devenir des exécutants passifs soumis à une autorité.
Ainsi, à mon sens, les élèves ne travaillent pas mais ils apprennent d’abord sur eux-mêmes. D’une manière générale, ils créent des prototypes, ils expérimentent, ils dialoguent, ils testent… Ils ne me rendent pas non plus des copies que je corrige, mais ils extériorisent leurs pensées par l’intermédiaire du langage oral et du langage écrit (domaine 1 du socle commun).
Je me suis longtemps demandé quel pouvait être le lien entre leur pensée et la mienne. Comment évaluer leurs progrès dans l’acquisition primordial de l’organisation (le fameux trier-classer-ranger), dans l’acquisition des concepts et des règles ?
Depuis quelques temps je me dis qu’il faut prendre appui sur le « cahier », cet espace qui a toujours été impersonnel, pour en faire un espace de liberté et de créativité, un espace encadré dans lequel les élèves inscrivent leurs propres pensées et leurs propres processus d’apprentissage. Sous l’influence du Bullet Journal de Ryder Carroll, j’ai ainsi créé le Journal d’Expériences, le JourdEx.
Depuis plusieurs années je choisis un cahier petit format, 196 pages. Après plusieurs années d’expérimentation, il s’est avéré que le cahier format A4 était trop lourd et trop grand. Avec le cahier format A5 je me suis même aperçu que, par rapport aux « années-grand-cahier », je fais deux fois moins de photocopies.
A 12 ou 14 ans il n’est pas nécessaire de remplir des grandes pages pour comprendre.
Le JourdEx est donc le lieu dans lequel chaque élève apprend à s’organiser, expérimente la table des matière, la numérotation, l’écriture de titre qui ait du sens, etc. Puisque les élèves ont le droit d’utiliser leur JourdEx à chaque évaluation, ils apprennent ainsi que le tenir à jour et écrire correctement a du sens pour progresser.
Cette année, pour expérimenter, j’ai laissé les élèves libres pendant l’utilisation du JourdEx. Je n’ai jamais regardé leur cahier pour inciter, ou obliger, les élèves à en prendre soin. Je les ai laissés en autonomie, responsables des mises en page, des titres et de l’index. J’ai uniquement évalué leur JourdEx à la fin de chaque trimestre. Résultat : seuls 10% des élèves dans chaque classe ont eu A ou B. C’est la raison pour laquelle, dès septembre prochain, je regarderai plus attentivement les JourdEx des élèves car force est de constater qu’ils ne sont pas encore autonomes ni responsables, malgré les préconisations du socle commun.
Présentation d’un JourdEx
Une élève de 5ème a accepté (ainsi que ses parents) que je reproduise les pages de son JourdEx. Je vous le présente rapidement.
Première activité
En tout premier lieu, les élèves doivent créer la numérotation de leur JourdEx. Les chiffres sont écrits sur la marge. Ainsi, par la suite, il pourront ajouter des numéros de page à gauche et à droite de la numérotation.
Page de présentation

Une enveloppe collée avec ouverture tournée vers l’intérieur pour ne pas perdre les diverses feuilles.
Pages d’index


Dès qu’une page est commencée dans le JourdEx, les élèves doivent l’inscrire dans l’index.
Information : socle et programme

S’auto-évaluer : autonomie et niveaux

Chronologie de l’année scolaire

Je n’ai pas su comment utiliser cette double page sur l’année. Je me demande si elle est bien utile. Pour le moment je ne l’élimine pas du futur JourdEx.
Période 1 et Septembre

Ces deux pages permettent aux élèves d’apprendre à se projeter dans le futur proche pour anticiper.
Evaluation cahier + tracker Erreurs dans les dictées

Une page de titre

Une page de graphisme

Apprendre à se responsabiliser

Période 2

Tracker Novembre

Les mois sont créés à la fin du mois précédent. J’indique de manière non exhaustive les futures évaluations. Il n’est pas nécessaire de charger la page avec trop d’informations.
Langage graphique pendant une lecture personnelle

Bilan du trimestre 1

Pour être actif dans leur formation, je demande aux élèves de reproduire les niveaux de leurs évaluations inscrits pendant les mois précédents. Ils évaluent alors un niveau global A, B, C ou D, puis ils transforment ce niveau en une note pour le bulletin. De mon côté je leur indique si je suis d’accord avec leur évaluation globale et leur note.
Créativité pour la nouvelle année

Bilan trimestre 2

Les coeurtes

Les coeurtes sont des cartes avec un coeur. Après avoir travaillé en équipe, les élèves s’échangent les coeurtes, des mots de gratitude avec les élèves de leur groupe restreint.
Le journal personnel

Au fur et à mesure de l’année, pendant quelques minutes à la fin de certains cours ou après certains événements, les élèves écrivent leur journal personnel. L’écriture comme un garde-mémoire.
La numérotation pour ne pas perdre le fil

Trouvée dans le livre de Ryder Carroll, cette astuce pour suivre le déroulement d’un cours, ou ici, le fil du journal personnel. Astuce très pratique pour créer de l’ordre dans le chaos.
En conclusion
Avec le JourdEx, les élèves mettent en pratique :
- le domaine 1 : les langages pour penser et communiquer
- le domaine 2 : les méthodes et outils pour apprendre
- le domaine 3 : la formation de la personne et du citoyen
- le domaine 5 : les représentations du monde et l’activité humaine
L’idée primordiale avec le JourdEx est que ce n’est pas le cahier dans lequel on a recopié les paroles du professeur. Il s’agit pleinement de son propre Journal d’Expériences, les siennes, avec ses erreurs, ses doutes, ses émotions, ses langages, sa créativité. Le JourdEx est ainsi un laboratoire portatif.
Le JourdEx est en quelque sorte le phénotype étendu de chaque élève. Il permet d’avoir une vision globale des capacités de chaque élève en organisation, expression, créativité, autonomie et responsabilité.
Nous sommes bien ici à l’opposé du modèle militaire Prussien ou du Taylorisme dans lesquels tout le monde fait comme tout le monde. Nous sommes réellement dans un accompagnement pédagogique personnalisé, c’est-à-dire une pédagogie agile.