Six ans après la création du premier livret suite à une discussion passionnante avec un formateur en auto-école, après de nombreux tâtonnements, j’essaie une nouvelle version du livret personnel d’apprentissage. C’est la sixième version qui sera proposée aux élèves et à leurs parents en septembre, prenant pleinement en compte la notion d’amélioration continue.
4 raisons d’améliorer la précédente version du livret :
– pas de réelles indications d’amélioration des différents travaux. Les élèves comptaient le nombre de réussites et se comparaient les uns aux autres.
– les indications seules ne permettaient pas de motiver les élèves dans leurs apprentissages. Par conséquent ils demeuraient passif avec ce livret, ne l’utilisaient pas pour suivre leur progression. De fait les parents ne pouvaient pas se rendre compte du parcours effectué par leur enfant. Le livret ne reflétait ni le rythme, ni le parcours spiralaire d’une année.
– j’ai eu beaucoup de difficulté pour remplir les dernières périodes : manque de temps. Manque de motivation. Pas d’utilité pour émettre des commentaires à propos des progrès.
– la présence quotidienne d’un livret utilisable par l’élève est indispensable pour révéler l’efficience, les progressions, l’engagement personnel et l’autonomie.
Le nouveau livret
L’objectif est donc d’engager chaque élève à utiliser, remplir, prendre en compte son livret pour s’auto-évaluer et améliorer ses réalisations, de manière kaïzen. J’ai donc pris en compte les capacités réels des élèves, les exigences du programme et du socle des compétences, les attentes des élèves et celles, implicites ou explicites, des parents, mes capacités à pouvoir évaluer les progressions, parfois infimes, et mon temps disponible avec une constante : dépenser le moins d’énergie possible afin de faire émerger une efficience élevée.
Sur la couverture, j’ai ajouté le notion de « Dramaturgie« . Je vais proposer dès cette année une formation plus soutenue à propos de cette notion car elle n’était pas assez mise en valeur jusqu’à présent dans mes cours. Je décide de ne pas toucher à la présentation générale, ni aux images : Roman Gary en 3ème, Victor Hugo en 4ème et Les Riches Heures du duc de Berry en 5ème.

Le livret est le même pour les trois niveaux : 3ème, 4ème et 5ème, avec quelques adaptations. Disparition des cinq périodes. Disparition également des indications du programme. Il sera indiqué sur les fiches données en début de chaque période.
Ce nouveau livret est divisé en cinq parties présentant les cinq travaux, ou itérations, qui seront effectués tout au long de l’année :
1- expression écrite – imagination
2- expression écrite – réflexion
3- lecture
4- grammosome
5- verbes du 1er groupe
Pour débuter, j’ai supprimé la référence au programme pour introduire la référence à l’Agilité. Je continue d’utiliser les QRcodes : lien vers le document palier 3 des compétences ; lien vers ce blog puisque quelques élèves me demandent pour quelles raisons je prends des photographies pendant le cours. Sur la page 1, des cases pour les signatures des parents à la fin de chaque période.

Première itération : l’expression écrite, le sujet d’imagination. 10 rédactions sont prévues, soit une par mois. Je n’ai pu qu’en proposer 9 cette année en raison d’une absence de 15 jours. La préparation, indispensable, est incluse dans ce travail. Cette année, le test avec cette grille a été très concluant concernant l’autonomie, la motivation et l’amélioration des textes.

C’est la raison pour laquelle je l’utilise à nouveau. L’ élève indique ses réussites par un point vert ; sinon il utilise un point rouge, ou orange, s’il juge que son travail est insuffisant.

Seconde itération : l’expression écrite, le sujet de réflexion. C’est une nouveauté cette année. Je pense avoir le temps d’inclure un sujet de réflexion sur les trois niveaux 5ème, 4ème et 3ème. Un sujet par mois. Toujours sur le même système de choix. Les élèves auront ainsi expérimenté 20 créations de textes complexes.

Troisième itération : la lecture. Comme me le faisait remarquer récemment un agiliste, je ne parle pas souvent du travail sur la littérature sur ce blog. Le but de la lecture est, pour les élèves, de créer un support afin de pouvoir conserver une trace écrite de leurs impressions pour leur culture. On peut voir un aperçu du travail dans la vidéo sur le kanban. La création du support (livret, brochure, graphisme ou document numérique) me permet d’établir une discussion et de générer, pour l’élève, du sens aux oeuvres littéraires. Un livre est lu par période ce qui engage à créer un support différent et choisi par l’élève.

Quatrième itération : le grammosome.

Cinquième itération : les modes infinitif et participe(passé) pour les verbes du 1er groupe. Deux tableaux :
– le premier tableau montre la progression sur la maîtrise du vocabulaire : participe passé, préposition, mode, genre et nombre, accord, sujet, temps composé, voix active, voix passive…
– le second tableau présente les routines et les défis contre le hasard réalisés chaque semaine. Je vais tenter de faire apparaître une courbe des notes. Verdict en juin 2016.

Quelques incréments : la méthodologie. J’ai conservé la forme et les indications des précédents livrets. Pour finir, j’ai conservé une indication sur les capacités cognitives que j’ai modifiée en « aspects cognitifs » afin de minimiser l’effet « étiquette ».

En quatrième de couverture, je reconduis la présence du petit livre de Giordan et Saltet, Apprendre à apprendre. Quelques parents sont heureux de le découvrir. Je changerai sans doute l’année prochaine.
En juillet 2016, bilan concernant ce nouvel outil pour les inévitables modifications.
Ce nouveau livret prend donc en compte la progression de chaque élève à travers chacune des itérations proposées. Mon travail n’est pas de gérer un groupe dont le but est de faire des travaux en commun. Ma fonction consiste à accompagner et de révéler chaque individu. Chacun doit pouvoir s’améliorer de septembre à juin comme ce fut le cas encore cette année. Comme j’aime à la répéter, le but est de ne pas s’éloigner de l’apprentissage fait par les enseignantes et enseignants en maternelle, apprentissage largement dénaturé par la suite. Ainsi, ce livret est librement inspiré de ce que je peux voir en Moyenne et Grande Section.
J’apprécie l’Agilité car ce n’est pas une méthode unique qu’il faut utiliser mais c’est avoir la capacité et le goût d’inventer quotidiennement l’association de 4 valeurs. Le but étant de s’adapter continuellement aux changements inévitables d’une formation, d’un apprentissage, d’un individu.
Il s’agit donc d’accompagner chaque élève avec subtilité, de découvrir par tâtonnements ses spécificités, ses talents, ses progrès les plus minimes pour consolider ou développer sa curiosité, son courage et sa créativité ; de lui faire confiance pendant dix mois dans des travaux complexes et exigeants ; de lui permettre d’apprécier une discipline (ici l’écriture, la littérature et la grammaire) quelque soit son niveau scolaire, sa future orientation et quelques soient ses capacités cognitives.
En aucun cas, il s’agit de le former, lui donner une forme, de le transformer en produit, pour sa future vie d’adulte. Je ne réussis pas encore l’expliquer ou à argumenter mais, sans entrer ici dans les détails, je n’adhère pas à cette croyance qui annonce que tout ce font les élèves pendant mes cours les conditionne pour plus tard, comme si, à l’instar d’une chaîne de montage représentative du fordisme, je programmais ou façonnais les élèves à devenir ce que je pourrais prévoir. Je suis farouchement opposé à cette idée qui annonce que les enseignants forment les élèves à devenir de futurs individus performants et économiquement adaptables, comme j’ai pu l’entendre dans une récente conférence. A mon sens, il y a là une forme d’eugénisme éducatif qui ne me fait pas rêver.
En revanche, un enseignant peut être tout à fait capable, par divers moyens et attitudes, de nuire au développement des capacités cognitives d’un individu.
Je ne peux qu’être d’accord avec Pierre-Henri Gouyon lorsqu’il dit que « la vie n’était pas considérée par les humains comme un moyen pour autre chose, mais comme constituant une fin en soi. On ne se demandait pas comment on vivait mais comment agir pour vivre, une vision non utilitariste de la vie elle-même. Depuis la fin du XXème siècle, le constructivisme utilitariste – avec la pédagogie des compétences, l’homme modulaire, la logique des DRH (où les humains deviennent une ressource pour le profit de l’entreprise et non l’inverse)…a opéré un changement de fond. La biologie moléculaire, pour ne citer que l’exemple le moins évident, étudie la vie comme un ensemble de processus qui seraient évalués par une grille extérieur à la vie : leur performance utilitaire », dans Fabriquer le vivant?
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10 avril 2016 : j’ai mis un terme (momentané ?) à la rentrée 2016 pour l’utilisation de mes livrets. Je n’ai conservé que des grilles indicatives des progrès de chaque élève. Les livrets demandaient un travail trop long et la portée de ces indications était trop faible ou inexistante pour l’élève, ses parents ou mes collègues.
Les grilles collées dans le cahier sont plus efficaces pour que chaque élève puisse suivre ses progrès.
Bonjour, je lis votre blog depuis plusieurs années et ai mis en place des livrets de compétences dans mes classes. Cela fonctionne à merveille et les élèves sont acteurs de leur réussite. Toutefois, mon cde m’oblige à leur mettre une note trimestrielle et cela casse le climat de confiance et de travail que j’avais réussi à instaurer grâce à l’évaluation par compétences. D’où la question suivante : notez-vous vos élèves ? Si oui, de quelle manière ? Merci d’avance pour votre réponse.
Bonjour,
Je note effectivement les élèves pour ne pas les exclure du système dans lequel ils se trouvent car l’établissement a décidé de conserver les notations chiffrées. La notation est identique à celle de mes collègues. Cependant une évaluation notée permet de révéler le niveau de compétence grâce aux domaines du socle. Par exemple, une activité d’oral (un exposé) entrainera une note sur 20 et une indication de niveau pour les domaines 1, 2, 3, 4 et 5.
De plus, pendant les activités en groupe, chaque élève s’auto-évalue à chaque heure de cours par une note entre 0 et 20, suivant des critères établis au préalable et chaque note est discutée entre les élèves du groupe. En fin de période d’activité je fais une moyenne pour chaque élève.
Je fais également des évaluations qui ne sont pas notées, mais uniquement évaluées avec les domaines du socle.
Puisque la note ne donne aucune indication, jamais, sur le niveau réel ou les capacités de chaque élève, l’attribution du niveau de connaissances, compétences et culture grâce aux domaines du socle est primordial. C’est grâce à ces indicateurs que l’élève peut savoir ses points faibles et ses points forts.
Bonsoir, je vous remercie beaucoup pour votre réponse ! Je me permets de vous poser encore une question : dans l’exemple que vous citez, est-ce que le barème pour effectuer une évaluation chiffrée d’un exposé est calculé en fonction du nombre de compétences évaluées ou bien à partir de critères autres ? Par exemple, vous dites évaluer 5 domaines du socle : votre barème est-il donc construit de 5×4 points ?
Bonsoir,
Non ce sont bien deux feedbacks différents :
– une note en fonction de critères spécifiques liés à des demandes préalables. La note servira pour établir une hiérarchie entre les élèves du système pour l’orientation.
– une indication par rapport à des niveaux de compétences. L’évaluation permettra un positionnement de l’élève par rapport à lui-même ou par rapport à ce qu’il a fait précédemment afin qu’il puisse progresser dans ses connaissances, compétences et culture.
->La note parce que le système le demande. ‘elle est plus liée à l’individu même si elle ne devrait pas)
->L’évaluation basée sur le socle pour commencer un dialogue avec l’élève afin qu’il puisse progresser (elle est plus liée à l’activité de l’individu dans un contexte et non à l’individu lui-même).
Nous sommes dans un système complexe, donc ne pas enlever ou simplifier des boucles de feedback. La note associée à l’indication du niveau du socle ne sont pas incompatibles. (par exemple le poids et la masse en physique pour un cours ou un objet).
Je vous remercie pour ces pistes de réflexion ! Bonne continuation et merci encore !
Je vous en prie. N’hésitez pas à me faire part de vos essais-erreurs, expériences …
Merci beaucoup pour votre partage d’expériences. Je vais récupérer l’idée du livret pour l’utiliser en langues vivantes.
Avec plaisir !
Tes « livrets d’apprentissage » m’inspirent ; j’ai testé cette année le système barre/croix/noircissement des cases (sur les items du socle) et je l’ai trouvé très efficace. J’ai donc décidé de me lancer, et je suis en train de créer des livrets pour le latin (même si, réforme oblige, ils ne vont pas me servir longtemps !).
Le problème que tu évoques m’a alors sauté aux yeux. Pour ma part, je crois l’avoir résolu en détaillant les procédures et les connaissances à acquérir, mais je suis heureuse que tu écrives un billet sur ce sujet précis.
J’avoue rester dubitative sur tes modifications. Au final, tes élèves et leurs parents de retrouvent avec 10 à 15 pages de tableaux aux entrées parfois très nombreuses, alors que le précédent était aéré, facile à lire et à comprendre. Je crains que la complexité apparente du document soit démotivante pour les élèves en grande difficulté, et anxiogène pour les parents attachés à la performance scolaire.
Pour moi, c’est un non-sens que de proposer le même livret de la 5e à la 3e, sachant que les élèves ne le gardent pas l’année suivante pour le poursuivre : c’est soit admettre que tout s’efface pendant l’été, soit proposer des objectifs impossibles à atteindre pour bon nombre d’élèves.
Bref, je ne suis pas convaincue.
Pour ce livret, je me suis basé de manière pragmatique sur ce qui faisait sens pour les élèves quelque soit leur niveau. Pour les plus en difficulté, la possibilité de pouvoir s’améliorer tout au long de l’année était source d’une minime motivation.
Bilan en juin 2016 !